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Location des bureaux au Maroc: quel contrat choisir ?

 

Location des bureaux au Maroc: quel contrat choisir ?

Marché en pleine expansion,

la location de surfaces à usage de bureaux au Maroc s’institutionnalise et se professionnalise jour après jour.

Dans un souci de renforcer la sécurité juridique,

se pose alors inévitablement la question de la nature du bail à conclure.

Faut-il opter pour un bail commercial, un bail professionnel,

un contrat de mise à disposition, un contrat de domiciliation ou encore un contrat de bail civil soumis au DOC ?

Telle est l’une des questions récurrentes à laquelle bailleurs et preneurs sont souvent confrontés.

Pour de la location des bureaux,

il est finalement assez rare en pratique de conclure un bail civil puisque le recours au régime du louage de choses prévu par le code civil apparait comme une catégorie résiduelle.

De même, utiliser des contrats de domiciliation ou de mise à disposition pour de la location de bureaux n’est pas un choix judicieux car ce sont des contrats spécifiques et inappropriés.

En revanche, il existe une véritable et légitime hésitation entre le bail commercial et le bail professionnel ;

choix qui n’est pas toujours évident à faire.

Pourtant ces deux régimes, encadrés chacun par une loi spécifique,

sont bien distincts (i) tant par leur champs d’application,

(ii) que par les régimes juridiques qui en découlent pour chacune des parties.

I. Champs d’application respectifs

A. Le bail professionnel, une catégorie résiduelle

Au Maroc, les baux professionnels et les baux d’habitation sont régis par une seule et même loi

(loi n° 67-12 portant organisation des rapports contractuels entre les bailleurs et les locataires des locaux à usage d’habitation ou à usage professionnel).

Cette loi est applicable “aux baux de locaux à usage d’habitation ou à usage professionnel,

meublés ou non meublés dont la durée de location dépasse trente jours […] et qui ne sont pas régis par une législation particulière”.

La loi ne précisant pas ce qu’est l’usage professionnel,

on pourrait procéder par exclusion et estimer que les locaux à usage professionnel sont ceux n’ayant ni un caractère commercial ni un caractère industriel ni un caractère artisanal.

Toutefois cette explication est insuffisante et, dans le silence de la loi,

il y a lieu de faire application d’une conjonction de critères pour savoir si l’activité entre ou non dans la définition du bail professionnel:

  • Critère de l’existence et de la nature du bail: la loi impose l’existence d’un bail et donc d’un écrit. La référence à un contrat de louage exclut donc les contrats de mise à disposition, de prêt, les conventions d’occupation précaire, les contrats de domiciliation, les contrats de prestations de services d’hébergement, etc.

 

  • Critère de la nature de l’activité: l’activité professionnelle, par opposition à l’activité commerciale ou industrielle, fait naturellement penser aux professions libérales réglementées (experts-comptables, médecins, vétérinaires, architectes, avocats…) et aux professions intellectuelles non réglementées (activités de conseil, gestion, consultants…). En outre, la loi ne précise pas si l’activité doit être ou non exclusivement ou majoritairement professionnelle. Il conviendrait toutefois d’être vigilent si la part de l’activité professionnelle est accessoire ou minoritaire.

 

  • Critère de la durée: la location doit être consentie pour plus de 30 jours. Cela exclut les contrats de mise à disposition temporaire de courte durée.

 

  • Critère fiscal: les locataires exerçant une activité professionnelle et bénéficiant de revenus professionnels entrant dans la catégorie de l’IR professionnel peuvent plus naturellement prétendre que leur activité est professionnelle et dès lors qu’elle entre dans le champ d’application du bail professionnel. En revanche, un locataire soumis à l’IS pourra moins facilement soutenir que ses revenus sont professionnels et devra donc plutôt se tourner vers le bail commercial. Il convient de noter que le critère de paiement de la TVA n’est plus totalement pertinent pour opérer une distinction entre bail commercial et bail professionnel car désormais la TVA sera, sauf dans le cas précis des locaux professionnels loués vides où le bailleur n’aurait pas choisi l’option pour la TVA, appelée quel que soit le contrat.

 

  • Critère de la forme sociale et de l’immatriculation: si la forme sociale de la société est commerciale (SA ou SARL par exemple) et non civile (SCP, SCI, etc.), cette dernière relèvera également plus du champs d’application du bail commercial que de celui du bail professionnel. En outre, si le locataire est inscrit au registre de commerce, ce dernier relève plus logiquement d’une activité commerciale que d’une activité professionnelle.

 

  • Critère urbanistique propre à l’affectation (destination) des constructions: si la construction est à usage commercial ou à usage de bureaux, il y a lieu de penser qu’un bail commercial serait plus approprié qu’un bail professionnel.

Ces critères ne sont ni cumulatifs ni exhaustifs et il est possible de les combiner pour apprécier si l’activité du locataire est de nature professionnelle et peut en conséquence entrer dans le champ du bail professionnel.

Par exemple, on peut raisonnablement penser qu’une société enregistrée au registre du commerce,

avec une forme sociale qui est commerciale par nature (SA, SARL) et qui serait soumise à l’IS relève plus du champ d’application du bail commercial que de celui du bail professionnel.

B. Un secteur concurrencé par le statut des baux commerciaux

La loi 67-12 précise qu’elle est supplétive et qu’elle s’écarte en présence d’une législation particulière.

Dès lors, il faut se demander si le bail peut entrer dans le champ d’application du statut des baux commerciaux.

Pour cela, il faut rechercher si l’activité est commerciale par nature, par la forme ou par accessoire en faisant notamment appel à la théorie des actes de commerce.

Si tel est le cas, il conviendra plutôt de signer un bail commercial et non un bail professionnel.

En cas de doute sur l’applicabilité du statut des baux commerciaux, les parties peuvent toujours décider d’adopter,

par extension conventionnelle, les dispositions du statut des baux commerciaux à travers une clause de soumission volontaire dans le bail.

Néanmoins, la liberté contractuelle des parties concernant le régime applicable à leur relation n’est pas illimitée.

En effet, un bail intitulé “bail professionnel” n’échappera pas pour autant à une requalification en bail commercial si celui-ci remplit toutes les conditions pour être soumis au régime du bail commercial.

Les juges seront d’autant plus enclin à requalifier le bail s’ils estiment que les parties ont cherché à éluder un statut impératif applicable à leur relation contractuelle.

En outre, certaines activités sont d’office exclues du statut des baux commerciaux par l’article 2 de la loi n° 49-16.

C’est le cas notamment pour les biens appartenant à l’Etat ou pour

les “entreprises exerçant dans les secteurs de l’industrie et des technologies de l’information ainsi que toutes les activités afférentes y compris l’offshoring” qui ne peuvent pas conclure un bail commercial.

II. Régimes juridiques

A. L’insuffisante protection des intérêts des parties dans un bail professionnel

S’il est en effet moins encadré que le bail commercial, le régime du bail professionnel est aussi moins protecteur, en particulier pour le locataire.

D’abord, le locataire ne peut mettre fin au contrat de bail que lorsque la résiliation anticipée est prévue contractuellement et doit, à défaut de stipulation contraire, attendre le terme du contrat.

Il convient donc de prévoir conventionnellement des cas de sortie anticipée.

Par ailleurs, contrairement au régime du bail commercial, il n’est pas prévu expressément que le locataire bénéficie d’un droit légal au renouvellement du bail et qu’en cas de refus de renouvellement de son bail par le bailleur, le locataire a droit à une indemnité d’éviction.

Ceci est un avantage pour le bailleur qui, s’il souhaite ne pas renouveler le bail à son terme, n’aura aucune indemnité d’éviction à payer au locataire contrairement à ce que prévoit le régime du bail commercial.

Les articles 51 et 52 de la loi n° 67-12 prévoient un mécanisme d’indemnité mais uniquement dans le cas d’un congé adressé par le bailleur pour des cas spécifiques.

S’agissant de la garantie à verser par le locataire pour sécuriser son engagement locatif, la loi prévoit un dépôt de garantie de deux mois de loyer maximum.

Cela est moins intéressant pour le bailleur que dans un bail commercial où il n’y a pas de montant maximum pour le dépôt de garantie (qui en pratique est souvent égal à trois mois de loyer).

B. Le bail commercial vise à assurer la pérennité de la relation locative tout en prévoyant des mécanismes légaux en cas de difficulté

L’intérêt du bail commercial est que tout le régime juridique est bâti sur l’idée d’assurer au maximum la pérennité et la continuité de l’exploitation,

ce qui est un avantage tant pour le locataire (qui sera assuré de sa jouissance)

que pour le propriétaire (qui pourra bénéficier de flux de loyers sans vacance sur une certaine durée et donc valoriser son actif).

Il n’y a pas de durée légale maximale du bail et il est possible de conclure des baux sur une longue période.

Il convient de ne pas dépasser une durée de dix ans car il existe un risque de requalification en bail emphytéotique, ce qui déclencherait l’obligation de payer une redevance fiscale conséquente.

La plupart des baux sont conclus pour trois ans mais il est possible de prévoir contractuellement des durées de neuf années avec des facultés de résiliation triennales ou avec des périodes fermes.

Ces mécanismes d’optimisation des durées permettent une meilleure visibilité des cash flow et sont donc souvent plébiscités par les investisseurs institutionnels.

En cas de non-paiement des loyers par le locataire,

le bailleur est mieux protégé que dans le statut des baux professionnels (qui prévoit un mécanisme judiciaire de mise en demeure de payer)

car le statut des baux commerciaux permet la possibilité de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire en référé.

Cela offre la possibilité d’obtenir l’expulsion du locataire en cas d’impayé et constitue donc une sanction plus dissuasive pour le locataire.

Conclusion

Une des raisons qui explique l’attrait de certains professionnels pour

le bail professionnel est probablement la grande liberté laissée aux parties pour fixer les termes du bail.

En pratique ces contrats sont souvent calqués sur des modèles de baux commerciaux

et reprennent l’essentiel des clauses habituelles dans les modèles de baux commerciaux.

Cette précaution rédactionnelle légitime permet donc de remplacer les insuffisances et zones d’ombre de la loi.

Toutefois, il nous semble préférable lorsque cela est possible d’essayer de se situer dans

le meilleur des cadres juridiques possibles afin que le contrat ne soit pas une construction artificielle

déconnectée d’une réalité juridique mais qu’il soit un support qui vienne renforcer ce que prévoit la loi.

Or, il nous semble que le statut des baux commerciaux offre une philosophie

rédactionnelle plus protectrice des intérêts des parties et qu’il est donc plus légitime de chercher à s’inscrire dans ce cadre légal.

En définitive, lorsqu’il y a un doute sur la possibilité pour un bail d’être clairement dans le champ d’application du bail professionnel,

il nous semble préférable d’opter pour le régime du bail commercial qui est plus protecteur pour le bailleur comme pour le preneur et qui offre,

à notre sens, plus de sécurité juridique notamment en cas de difficultés entre les parties.

 

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